TWs: Armée.  

Sur la mélodie que joue ta corde sensible ›
(1) Sasha est né à Paris dans une famille de ce qu’on pourrait appeler de « la classe moyenne supérieure ». Le genre qui habite un bel appartement à Paris mais doit travailler pour vivre, et pas qu’un peu. D’ailleurs, son père et sa mère étaient relativement peu souvent à la maison, le laissant seul s’occuper de ses deux petites sœurs pendant qu’ils poursuivaient les promotions à coup d’heures sup’. Alors, les tresses, les paillettes et les barbies ça le connaît. Il est également très fort en ‘repas-n’importe-quoi’, ces fameuses coquillettes au jambon de parme, burgers de blanc de poulet ou buritos-de-tout-ce-qui-traine-dans-le-frigo. Et puis, qu’est-ce qu’il en a passé, des heures à créer des châteaux forts avec les meubles et canapés du salon. Qu’importe qu’il se fasse engueuler comme le pire des gangsters quand son daron rentrait. Le rire de ses sœurs valait tout l’or du monde. Savoir qu’il faisait chier ses parents ne valait pas rien non plus, il faut bien l’avouer.

(2) À l’école, c’était le petit con qui était là pour traîner avec ses potes et pas vraiment pour écouter les cours. Celui qui avait toujours une bonne remarque à faire pour provoquer les profs. Comme cette fois où ils ont appris qu’Aristote pensait que les fleurs mangeaient de la terre et qu’il a demandé à haute voix pourquoi on prenait la peine d’étudier les idées de ce  gros bouffon. Toujours à l’arrière de la classe, des classeurs dans lesquels les feuilles refusaient manifestement de rester accrochées, des notes inexistantes. Heureusement qu’il était bon tchatcheur et qu’il y avait toujours une jolie fille pour lui prêter ses cours ou venir réviser avec lui. Sinon, il n’aurait certainement pas réussi.

(3) Unanimement considéré comme cool par les autres élèves, c’est peut-être pour faire honneur à sa réputation s’il sortait autant et s’il s’est mis à fumer. Des cigarettes et, rapidement, de l’herbe. Il a commencé à rentrer de moins en moins souvent chez lui, squattant chez des potes, creusant l’écart entre ses parents et lui. Vu ses résultats scolaires, la tension était palpable quand il rentrait. Parce que ses parents n’avaient pas sacrifié autant pour regarder leur fils devenir agent d’entretien, pas vrai ? C’était le genre de choses qu’ils lui balançaient pendant les engueulades.

(4) Pour autant, il n’a jamais été le genre de connard qui se moquait des autres, bien au contraire. La veuve et l’orphelin, ça a toujours été son truc. Comme bien des gamins, quand il était petit, il voulait devenir super-héros. Et c’est sûr qu’il formait une équipe de choc avec ses petites sœurs quand il s’agissait de recueillir des chatons et leur trouver des maîtres ou sauver un pigeon à moitié crevé.

(5) Après le Lycée, ça a été compliqué. Si beaucoup de jeunes ont du mal à savoir ce qu’ils veulent faire de leur vie, c’était bien pire pour Sasha qui s’est retrouvé complètement perdu. Une seule certitude : il ne voulait pas d’un travail de bureau comme son père et sa mère. S’inspirant de son envie d'aider, il a commencé des études de droit. Mais c’était beaucoup trop prise de tête pour lui. Beaucoup trop de chipotage. Et, très vite, tout ce qu’il n’y eu plus d’étudiant dans sa vie, ce fut les soirées. Grande période de n’importe quoi, d’alcool, d’amis, de rires, d’angoisses, de gueules de bois, d’envie de partir habiter dans les bois comme ce type dans into the wild.

(6) Au lieu de s’enfuir dans une forêt quelconque, c’est à l’armée qu’il s’est inscrit, pour fuir ses parents mais aussi pour faire quelque chose de son corps et de ses idéaux. Ça lui semblait être une bonne idée, sur le moment, et dans un premier temps ça lui a vraiment plu. Il y sera resté 3 ans : de ses 20 à ses 23 ans. Grâce à l’armée, il pu d’ailleurs suivre plusieurs formations  courtes dans pas mal de domaines différents, aux frais de l’État Français. C’est notamment là qu’il a appris l’anglais (qu’il maîtrise parfaitement) et l’espagnol (qu’il maîtrise moyennement). Rapidement très doué pour les parcours physiques et pour les armes à feu, il prenait ça pour un grand jeu vidéo se déroulant dans la vraie vie. Et, pour la première fois de sa vie, il se pliait volontiers à l’autorité de ses supérieurs. Jusqu’à ce qu’il réalise qu’il n’était pas forcément dans le camp des gentils. Même s’il s’y sentait bien, valorisé, rémunéré, loin de ses parents, tous ces avantages ne pouvaient pas effacer l’inconvénient principal : on pouvait lui demander de tuer. Et même si on le lui vendait en « tuer pour défendre », c’était tuer quand même et c’était insupportable. C’est donc à contre cœur qu’il a quitté la Défense et qu’il est revenu chez ses parents.

(7) L’emploi classique des anciens militaires, c’est la sécurité. Alors pendant un an, il a d’abord travaillé comme agent de sécurité, lors d’évènements, principalement. Sauf que c’est un emploi qui consiste à rester 99% du temps debout à s’emmerder en uniforme et 1% du temps en pause clope. Autant dire qu’il a détesté l’expérience. Et il faut croire que son patron voulait se débarrasser de lui aussi parce qu’il est venu le trouver un jour, le bouche en cœur, pour lui annoncer qu’il lui avait trouvé un nouveau travail : assurer la sécurité personnelle d’un fils de riche, job pour lequel il l’avait chaudement recommandé à son ami Monsieur Holmes. Un fils de riche de deux ans plus jeune que lui. Comme s’il allait laisser un type de moins de son âge, être son patron. N’importe quoi. Mais le salaire était faramineux, en plus du logement offert (rien de moins qu’une suite dans un des hôtels du daron Holmes), alors ça valait au moins le coup d’œil. De toute façon, il n’était pas vraiment obligé de lui parler au fils Holmes, pas vrai ? Il suffisait juste de lui filer le train.

(8 ) Sauf que ça s’est mille fois mieux passé que prévu car c’est comme ça qu’il a rencontré celui qui est son meilleur ami depuis maintenant six ans. Sasha a tout de suite senti une connexion très profonde, presque surnaturelle, à Augustin. Il a tout de suite compris qui c’était vraiment, malgré les airs qu’il pouvait afficher, et il ne lui a pas fallu plus d’une journée ‘à ses côtés’ pour trouver la bonne façon de l’aborder, la bonne façon d’en faire un ami. Alors, il a vite eu l’impression d’avoir niqué le système, d’avoir gagné à la vie, parce qu’il est aujourd’hui littéralement payé pour traîner avec son meilleur pote. Meilleur pote envers lequel il a développé une certaine possessivité, sûrement parce qu’il est également censé assurer sa protection, mais aussi un peu parce qu’il s’est largement habitué à être son seul ami, le choix évident pour les après-midis de squash ou les cocktails barbants organisés par le daron. Récemment, il a vu son salaire presque doubler parce que le daron Holmes lui a ‘imposé’ de suivre son fils en Californie. Sauf que, ce que ce bouffon n’a pas compris c’est qu’il serait totalement venu gratuitement, la question ne se posant même pas dans son esprit.

(9) Grand fan de rap français, c’est bizarre mais c’est ça qu’il a le plus peur de perdre, maintenant qu’il habite aux U.S. Il ne s’est jamais autant éloigné de sa France natale, si chère à son cœur, et il ne sait donc pas trop à quoi s’attendre. Il a en tête tout plein de clichés sur les américains, ces mangeurs de burgers qui ne s’hydratent, paraît-il, qu’en buvant du coca. Il a hâte de tout découvrir. Alors, ok, Monterey c’est loin d’être Los Angeles, mais quand même.

(10) Son plus quand secret, c’est qu’il a pris son petit-déjeuner tous les matins pendant une année entière chez Starbucks parce qu’il avait un gros crush de la gérante. Parce qu’une année c’est le temps horriblement long qu’il lui a fallu pour découvrir que la femme en question était mariée à une autre femme. Il n’en parle pas parce que c’est ridicule, les sommes qu’il a perdues dans ces cafés et petits-déjeuners peut-être encore plus qu’y avoir cru pendant un an.