Cela faisait quasiment une semaine que Damien était rentré à Monterey et il avait passé la majeure partie de son temps de son week-end de Los Angeles avec sa soeur, à dormir pour rattraper le peu de sommeil qu'il avait accumulé mais également le décalage qui ne l'épargnait en rien. Il n'avait cependant pas chômé lors de ses temps libres, étant donné que s'il était parti au Liban autant de temps, c'était pour un projet organisé et qu'il fallait attendre que les photos soient prêtes pour pouvoir les exposer. Il en avait déjà proposé quelques unes à des médias fiables étant donné qu'il ne confiait pas ses bébés à n'importe qui non plus, histoire d'avoir un avant goût de ce qui allait sortir, mais aussi pour dénoncer la situation là bas qui était... catastrophique. Et encore, le mot était encore faible.
Mais, depuis son retour, bien que les photos étaient sa préoccupation, il s'autorisait à s'extraire de temps à autre de toute la dureté de la vie, du monde. Après avoir côtoyer les bas fonds de l'humanité, il se disait qu'il pouvait se permettre de se détendre un peu, de temps à autre, sans omettre pour autant ce pourquoi il faisait tout ça dans la vie de tous les jours.

Ce soir là, il avait eu pour idée de s'aventurer dans un vernissage d'une photographe dont il ne connaissait absolument pas le travail, ni le nom jusqu'à présent, et dont il s'était laissé tenté afin de pouvoir observer le boulot de collègue, aussi compétent soit-il. Il adorait cela d'ailleurs, voir d'autres projets, d'autres coups d'oeil, en quelques sortes. Il ne s'estimait lui même pas comme le meilleur, loin de là, et ainsi l'idée de comparer à d'autres, qu'il connaissait ou non (mais surtout qu'il ne connaissait pas) était très excitante.

Il s'aventura ainsi dans la galerie où se trouvait l'exposition et fut aussitôt frappé par les photos qu'il vit. Il regarda un peu partout autour de lui, comme s'il venait d'entrer dans un autre monde et qu'il avait fui la planète Terre le temps d'un instant.  Il était conscient qu'en entrant ici et à visualiser les images d'une autre photographe, il entrait dans le monde de quelqu'un d'autre. Après avoir jeté un premier coup d'oeil sur l'ensemble des images à proximité, il s'approcha du groupe de personne et de, ce qui semblait être, la photographe, présentant son projet. Il se revoyait lors de ces moments là, en particulier à ses débuts, où il était un peu stressée et nerveux. Maintenant, il faisait cela les yeux fermés, avec quand même une certaine appréhension quant à ce qu'il allait dire. Mais comprendre la vision de l'autre était une chose intéressante.

Une fois cela terminé, il s'approcha d'une photo en particulier et l'observa avec intérêt. Parce qu'elle lui parlait, plus exactement, sans réellement savoir pourquoi. Il s'agissait de l'image d'une jeune femme dans l'eau et qui semblait morte, tel un cercueil. La mort était un sujet qui, évidemment, le marquait profondément et il devait admettre que celle ci était puissante à ses yeux. Mais après avoir mis ses émotions de côté, il s'était mis à observer l'image d'un point de vue technique, de son "expertise". Forcément, il avait l'oeil dans les détails et c'était même une des raisons qui le poussait à être autant maniaque dans son boulot.
Il s'aperçut que l'artiste s'était approché de lui. Que ce soit pour venir ou non à sa rencontre, lorsqu'elle fut près, il ne put s'empêcher de lui exprimer son opinion sur la chose, comme ce que les gens faisaient lorsqu'ils se rendaient dans un de ses vernissages à lui.

"Mmmmh, joli travail de lumière et de couleur, mais j'aurais vu un peu plus de luminosité dans cette partie là" expliqua-t-il perdu dans ses pensées et dans l'observation de la photo, tout en montrant de la main l'espace qu'il désignait. "J'aime beaucoup la position du modèle et le message que ça dégage, et j'imagine que c'est intentionnel de montrer du faux?" s'interrogea-t-il, bien qu'il avait une idée de la réponse étant donné que la plupart des photographes, surtout de ce genre, montrait exclusivement du 'faux'.

Des photos exposées. Des personnes qui viennent les admirer. Galia avait longtemps espéré pouvoir exposer son travail quelque part. Jusqu'à présent, elle s'était pris beaucoup de refus. Certains estimaient que son travail n'était pas celui qu'il fallait pour présenter dans une galerie. Galia variait les sujets et les projets parce qu'elle avait toujours pleins de choses en tête. Plein de choses à montrer et à faire découvrir à travers son œil de photographe. Les sujets différaient selon ses envies. Et parce qu'elle aimait aussi se donner des petits défis. La superposition de photos pour ne donner qu'une seule et unique image à regarder. Découvrir des paysages encore inconnus à ses yeux. Trouver des détails au-delà de ce qu'elle voit tous les jours. Montrer que tout le monde est beau et à quelque chose qui fait de lui une personne unique. Finalement, elle aimait expérimenter. Elle avait son style et celui-ci variait selon ce qu'elle cherchait à démontrer.

Ce soir, elle avait la chance de pouvoir faire une petite exposition en compagnie d'autres personnes. Peintures, poteries et autres types d'art se côtoyaient à côté des quelques photos de la jeune femme. Certains s'arrêtaient pour demander des renseignements et des explications sur ce qu'elle a voulu représenter et connaitre sa vision des choses. D'autres souhaitaient savoir si ses photos étaient à vendre ou complimentaient la jeune femme qui avait essayé de représenter sa vision du monde avec autant de sujets différents qu'il lui était possible. Des photos plus poétiques et puis des photos plus difficiles qu'elle gardait en vue d'une soirée comme celle-ci. Des clichés qu'elle avait pris il y a quelques années lors d'un voyage humanitaire de quelques mois.

La demoiselle était sur un petit nuage. Peut-être était-ce le début de ce qu'elle attendait tant ? Elle l'espérait. Se faire connaitre sur Instagram et tenter de trouver des endroits pour exposer sans succès, c'était pénible. Elle trouvait que c'était une perte de temps et qu'elle pourrait le dépenser de manière bien plus judicieuse. C'est du temps qu'elle perdait à ne pas photographier. C'est du temps qu'elle perdait à ne pas aider dans des associations. Galia n'en revenait toujours pas. Elle avait envie de faire des bonds de joie. Son sourire trahissait clairement le fait qu'elle soit surexcitée. Elle avait reçu un coup de fil lui demandant si elle était disponible pour afficher quelques unes de ses œuvres. Elle avait répondu oui, sous le coup de l'émotion et n'avait vraiment réalisé que plus tard ce qui venait de se passer. Et aujourd'hui, la voilà debout devant un mur entier de ses photos. Bon d'accord, le mur n'était pas très grand, mais c'était un début.

Elle avait eu le temps de boire quelques coupes de champagne et de manger quelques petits fours lorsque des serveurs passaient près d'elle. Elle commençait à avoir faim et elle aurait payé cher pour manger un vrai truc, là maintenant. N'importe quoi. Mais autre chose que des petits fours qui donnaient un air raffiné et pompeux alors qu'ils étaient dégoutants. Et alors qu'elle venait de terminer une discussion plutôt intéressante avec un couple, elle se rapprocha d'un homme qui contemplait l'une des photos au mur. Elle n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il lui lança des critiques masquées par des compliments. S'il y a bien quelque chose qu'elle détestait, c'était ça. Elle avait cette impression qu'il disait ce qui était positif pour faire passer la pilule des informations qu'il partageait avec elle ensuite. Le manque de nourriture dans son estomac et les verres de champagnes n'aidaient pas. Galia soupira et afficha un visage fermé avant de répondre plutôt sèchement à cette personne qui l'insupportait déjà. « Je vois ... J'imagine que c'est plutôt facile de critiquer quand on n'est pas photographe soi-même ! » Généralement, elle acceptait plutôt bien la critique. Parce qu'elle aimait avoir le point de vue des autres. Mais là, elle le prenait personnellement. Un peu comme si son travail n'avait pas vraiment de valeur. « J'imagine que c'est vous que la galerie aurait du appeler à ma place ?! » Pour une première approche, c'était clairement raté. Un premier contact qui ne sembla pas vraiment passer du côté de la jeune femme. Peut-être a-t-elle simplement mal pris les choses et dans ce cas, elle s'excuserait, peut-être. Et puis, comment elle aurait pu savoir que la personne en face d'elle était quelqu'un dont elle aimait le travail. Elle n'avait jamais vu à quoi ressemblait Damien Bates et n'avait donc pas connaissance qu'il se trouvait là, face à elle en ce moment même.

@Damien Bates

En s'aventurant par ici, Damien avait conscience d'où il mettait les pieds. Il savait aussi qu'il serait lui même assez maniaque, peut être trop, et qu'il ne pourrait pas s'empêcher d'imaginer sa vision des choses si ça avait été lui derrière l'objectif. Un petit "défaut" qu'il devait apprendre à corriger, c'était plus fort que lui. Il adorait ça repérer les choses qui allaient pas, étant lui même intransigeant avec son propre travail. Certes, ce qu'il faisait ne pouvait pas forcément parler à tous les mondes, certains n'aimeront pas ou ne seront pas touchés par ce qu'il proposait et c'était là tout le but de l'art. Lui, ce n'était pas tant le message qu'il critiquait mais l'aspect technique. Parce que Lui avait l'Oeil, forcément. Enfin... ce n'était même pas une question d'avoir ou non de l'importance dans le milieu, sa notoriété, il s'en moquait pas mal. En revanche, lorsqu'une photo n'était pas prise comme il l'aurait fait, lui, connu ou non, il s'en fichait, c'était simplement son oeil qui le tiquait. Mais il devait tout de même reconnaître que la photographe avait énormément de talent. Ses photos étaient très jolies et les messages passés tout aussi magnifiques que la netteté des images, les couleurs et la mise en scène. Damien faisait plus de "vrais" que de "faux" mais là encore, c'était une prise de position à avoir.

Alors qu'il s'attendait à bavarder avec l'artiste, voir même à débattre, la jeune femme s'était braquée, à sa grande surprise. Il était vrai qu'il y avait été peut être un peu cash dans ses propos. Certes, pas agressif, mais un peu trop condescendant peut être. Néanmoins, comme il ne s'attendait pas à avoir une telle réaction, il ne manqua pas d'afficher son air surpris. Et lorsqu'elle lui fit justement remarquer que c'était facile à dire quand on était pas du métier, après toutes les critiques techniques qu'il avait soulignées, Damien arqua un sourcil. Alors oui, il était vrai qu'il n'affichait pas son visage partout, elle ne le reconnaissait forcément pas. Mais il décida de prendre cet avantage à partie. Il se calma aussitôt sur ses propos et observa la jeune femme avec un calme olympien. Encore plus lorsqu'elle lui rétorqua qu'à tous les coups, il aurait mieux fait de prendre sa place.

"Oh, pardonnez moi. Ce que vous dites est très vrai, j'ai été très maladroit en plus d'être un parfait imbécile." reconnut-il. "Je n'aurais pas la prétention de vouloir vous remplacer, rassurez vous. C'était mal venu, je reconnais."

Il esquissa un sourire à son attention dans le but de pouvoir faire redescendre l'atmosphère et peut être partir sur un meilleur pied.

"Il est cependant vrai que j'ai quelques notions en photographie, je dois l'admettre et ça m'a un peu échappé sur le coup. Je vous rassure de suite, j'admire tout de même beaucoup votre travail, c'est très beau."

Il se pinça les lèvres lorsqu'une nouvelle critique qu'il avait retenu au bord de ses lèvres avaient manqué de sortir par un "Mais je dois souligner que..." et qui était terriblement gênant et chiant chez lui. Certes, ce n'était pas SES photos, il n'avait pas le droit d'imposer sa manière de voir les choses.

"Vous faites de la photo depuis longtemps?" s'interrogea-t-il, curieux. Il voulait un peu mieux se focaliser sur du positif et surtout, sur son parcours et son travail en général.

La joie intense qui traversait le corps de Galia alors qu'elle exposait pour la première fois dans une exposition importante la faisait se sentir dans un autre monde. Elle avait du mal à réaliser ce ce qui était en train de lui arriver exactement. Elle avait des discussions  plutôt constructives avec certains venus jeter un œil à son art ainsi qu'à celui des autres exposants autours d'elle. Elle avait déjà exposé des photos. Mais ce n'était rien de comparable puisque l'exposition n'avait pas la même portée que celle-ci. Aujourd'hui, Galia avait l'impression d'être restée debout toute la journée sans manger quelque chose de correct parce qu'elle n'en avait pas pris le temps. Et peut-être qu'elle aurait du s'éclipser. Ca lui aurait peut-être permis d'échapper à la personne condescendante qui venait d'arriver et de littéralement détruire le peu de confiance en elle que Galia avait à cet instant. Si elle ne le montrait pas, c'était pourtant bel et bien le cas. Elle avait cette impression que son travail ne plaisait pas et le fait de se faire refuser pour des vernissages ne renforçaient pas la confiance qu'elle portait en elle et en ses capacités de réussir. Se trouver ici lui permettait d'enfin se sentir reconnue et de reprendre du poil de la bête par la suite.

La demoiselle a songé plus d'une fois à arrêter la photo. Parce que parfois, elle se retrouvait sur la paille. Sans rien pour payer le loyer de son appartement qu'elle partage maintenant avec Rosemary. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle s'était finalement lancée pour couvrir des événements. Des mariages. De grosses soirées d'anniversaire. Mais, il était clair que ça ne la faisait pas vibrer. Non, elle préférait de loin montrer quelque chose qui a du sens pour elle. Parfois, il est caché. Il est métaphorique. Et puis, elle était passionnée par les photos des autres. Notamment par les photos de guerre de la personne avec qui elle discutait sans le savoir. Il y avait dans ces photos quelque chose de dur, mais criant de vérité. C'était difficile à décrire et pourtant, elle s'était intéressée de près aux différents clichés.

C'est vrai que sur le coup, elle avait peut-être mal réagit face à la critique. Et si habituellement elle accepte tout dans la mesure où ça peut l'aider à s'améliorer pour la suite, ce n'était clairement pas le cas actuellement. Elle avait pris un air fermé et balançait des paroles froidement. C'était déstabilisant. Et puis, il fini par s'excuser en disant avoir été maladroit et imbécile. Ca, pour un imbécile, c'en était un ! Après tout, elle avait mérité cette place parce que ses photos méritaient d'être vues et il n'avait pas le droit d'insinuer le contraire. Et si elle avait envie de lui répondre sur le même ton que précédemment, elle se garda de le faire. Elle sentait que cela pourrait montrer crescendo si elle continuait. En plus, il lui adressait un sourire plutôt adorable, ce qui eut le don de la calmer un peu. Son visage était toujours fermé quand elle reprit la parole. « Je ... » Et puis, elle se détendit pour continuer, affichant un léger sourire. « C'est que votre manière d'aborder les gens est un peu particulière pour parler de leurs réalisations ! » Et puis le manque criant de nourriture dans l'estomac de Galia n'aidait pas beaucoup à l'attendrir non plus. « Le tact c'est pas vraiment votre truc ... »

Par la suite, il exprima son respect pour le travail de la jeune femme qui ne loupa pas le compliment. Celui-là resterait bien dans sa petite tête. « Merci beaucoup ! » Elle répondit cela uniquement. Elle était vraiment perturbée par la personne se trouvant en face d'elle. Difficile à cerner. « Et puis, finalement ... Est-ce que la technique importe vraiment beaucoup face aux messages que j'essaie de transmettre ? » Oui, un jeu de lumière pouvait rendre complètement différent une photo. Mais là, il s'agissait de la vision de Galia et pas de monsieur inconnu. Elle répétait bien souvent aux gens que la photo était pour elle le moyen d'aider les gens à voir et puis à quel point il n'y a pas besoin de mot pour faire passer un message. Elle aimait la photo aussi parce qu'elle avait la chance de capturer des moments éphémères et de pouvoir les montrer à d'autres.

La discussion dévia ensuite sur le parcours de la jeune femme. Est-ce qu'elle faisait de la photo depuis longtemps ? Elle avait eu son premier appareil vers l'âge de dix ans. Elle aimait prendre des photos lors de réunions de famille. Immortaliser des moments de vie. Son plat préféré. Des plantes dans le jardin. « Je fais des photos depuis que j'ai dix ans. J'admets qu'à l'époque, ce n'était pas du grand art et que tout était prétexte à prendre des photos, mais j'ai toujours aimé expérimenter et tester des choses avec mes appareils photos par la suite. » A l'adolescence, elle prenait d'ailleurs les clichés pour le journal de l'école. Plutôt pour se perfectionner dans les portraits et les moments de vie et puis aussi pour justifier le fait qu'elle prenne des photos de ce qui lui plaisait, quand quelque chose se produisait sous ses yeux. « Et vous, cela fait longtemps que vous vous y intéressez ? » Un serveur passa et Galia se jeta littéralement sur le plateau, remplissant une de ses mains de quelques petits fours. Elle afficha un air coupable et un petit sourire. Mais elle avait l'air de quoi, là ? « Pardon ... Je n'ai pas mangé grand chose de la journée alors je me rabats sur ce pauvre serveur qui a déjà la gentillesse et l'audace de revenir par ici se faire prendre d'assaut par ma personne. » Elle pouffa légèrement avant de mettre un des fameux petits fours dans sa bouche et d'avoir cette impression d'enfin contenter son estomac.

@Damien Bates

A la réaction de la photographe, Galia, c'était bien ça? Prénom peu commun au passage, il se rendit compte qu'il avait fait un peu trop son Damien en lui expliquant ce qu'elle aurait dû faire pour que ça soit 'encore plus parfait', selon lui. Lui, selon lui. C'était bien ça le problème, il ne pouvait s'empêcher de refaire le boulot de ses collègues tant ça le tiquait aussitôt. Il ne pensait pas avoir été aussi direct cela dit, ou même aussi hautain, il avait simplement entreprit de corriger des soucis techniques (toujours selon sa vision des choses) comme il l'aurait fait à n'importe qui, sauf peut être aux rares fois où il trouvait l'image de son ou sa collègue parfaite. Damien était tellement soucieux du détail qu'au final, il avait du mal à être parfaitement comblé quand il observait une photographie. Ou même n'importe quel autre oeuvre d'art dans d'autres domaines. Tout un monde se connectait dans sa tête et il refaisait tout dans son esprit pour pouvoir être enfin satisfait. Alors, pas qu'il n'aimait pas le travail de la jeune femme, non, mais il était simplement persuadé qu'on pouvait faire encore mieux.
Cela dit, il avait tôt bien fait de présenter ses excuses en reconnaissant qu'il avait été impoli et maladroit dans ses propos. Son calme lui permit d'apaiser la colère de l'artiste qui ne manqua pas de lui faire souligner que la manière dont il abordait les gens était 'un peu' particulière pour parler de leurs réalisations. Damien croisa les bras et exprima un rire.
"Oui, je suis plutôt d'accord avec vous, pour le coup" renchérit-il. "J'ai été sans doute un peu trop excité ou enthousiaste. Encore une fois, mea culpa. J'essaierais de faire plus attention les prochaines fois, s'il y en aura d'autre."
Il eut un sourire dans le coin de sa bouche et observa attentivement Galia Milanova comme s'il était en train d'étudier l'une des photos en question. Il finit par réaliser que son regard était peut être un peu trop insistant et curieux et poursuivit :
"Dites vous que c'est aussi bon signe, c'est parce que vos photographies sont inspirantes. Si c'était vraiment mauvais, je crois que je serais tout simplement reparti ou j'aurais été beaucoup plus méchant. Mais là, je me suis simplement..."
Il leva les yeux au ciel en réfléchissant au mot qu'il allait employer pour terminer sa phrase.
"Projeté" finit-il par dire. "Mais c'était mal venu, c'est vrai."
Il rit davantage lorsqu'elle ajouta une couche en lui faisant remarquer que le tact n'était pas non plus son truc. Il avait l'impression de donner l'image d'un critique ultra relou et c'était pas tellement son but, même s'il comprenait parfaitement l'interprétation.
"Alors dites moi, Galia Milanova (une chance que son nom soit écrit juste à côté), comment aurais-je dû tourner ma phrase?"
Il pencha la tête sur le côté et l'interrogea ainsi du regard en patientant sagement d'avoir la réponse.

Il se rattrapa en lui faisant passer un message un peu plus positif, ce dont elle le remercia. Puis elle lui demanda si après tout la technique avait tant d'importance, du moment que son message était passé. Damien battit des paupières à plusieurs reprises, en se demandant s'il avait bien entendu la question qu'on venait de lui poser.
"C'est.. une réelle question que vous me posez là?" demanda-t-il, très intrigué. "Parce que dans ce cas là, la réponse est oui. Je dirais même que ce sont les petits détails qui sont les plus importants, surtout lorsque vous voulez faire passer un message. Mais arrêtez moi avant que je m'emballe trop, je ne vais plus m'arrêter sinon. A moins que vous désirez réellement entendre mon point de vue sur la chose, mais vu comme j'ai démarré et que mon tact ne plait pas, j'ai un doute."
Bien qu'il n'avait pas la parole universelle sur cela, il avait tout de même son opinion très marqué, surtout par rapport à l'art. Mais il avait également conscience que cela était aussi très subjectif. Seulement, on avait été tout aussi dur lors de ses débuts, forcément, une fois arrivé à la place de 'maitre', il ne pouvait s'empêcher de reproduire la même chose. Pas qu'il ait envie de descendre les autres, non, ça lui venait simplement naturellement.

Après quoi, il s'intéressa à son parcours et elle lui répondit qu'elle faisait de la photo depuis l'âge de dix ans. Il ouvrit grand les yeux, impressionné. Lui en avait quinze ou seize lorsqu'il avait véritablement commencé, quand il avait dû se trouver un travail et que l'occasion s'était présentée. Certes, il se rendait compte qu'il n'avait pas à faire à une aussi grande débutante que cela, mais c'était la première fois qu'il croisait son nom et jusqu'à présent, personne ne lui en avait parlé. Mais cela ne signifiait pas forcément que Galia était ainsi méconnue ou qu'elle débutait, même en tant que photographe officielle.

"Oui, je vois tout à fait. C'est une bonne raison de commencer, je dirais" approuva-t-il alors. "Je serais curieux de savoir à quoi ressemblent ou ressemblaient les premières images. Ca doit être... fascinant."
Il n'était même pas ironique en disant cela. Ses premières photos n'avaient pas grand chose à voir avec la qualité qu'il proposait de nos jours, mais elles restaient tout de même précieuses à ses yeux. Il sortit de ses réminiscences lorsqu'elle lui demanda si ça faisait longtemps qu'il s'y intéressait; L'idée qu'elle n'ait pas compris qu'il était dans le milieu aussi et qu'il faisait la même chose qu'elle était très amusante et il avait encore plus envie de jouer sur cela.
"Oh, moi... Je pense que j'ai toujours été fasciné par les photos depuis que j'ai été confronté pour la première fois à une galerie. Autant dire que ça remonte à longtemps. Je pensais pas... m'y intéresser autant cela dit. Et puis, c'est devenu une passion, surtout lors de l'adolescence. De toute manière, j'ai un feeling assez marqué avec l'a.." rt.
Il n'eut pas le temps de terminer qu'il aperçut Galia s'emparer de petits fours au passage du serveur. Assez surpris par la scène qui venait de se dérouler devant lui, il se figea un instant, ahuri, avant de revenir sur Terre et finalement la questionner.
"Vous n'avez pas mangé depuis quand?" se demanda-t-il sérieusement. "Si vous voulez, je peux tenter de me faire pardonner en vous proposant de terminer la soirée au restaurant."
Il resta silencieux quelques secondes en réfléchissant à ce qu'il venait de proposer avant d'ajouter :
"Enfin.... lorsque votre vernissage sera terminé, évidement. Je ne voudrais pas empiéter là dessus plus que je ne l'ai déjà fait."
Bien entendu, il n'avait pour le coup absolument aucune arrière pensée en lui faisant cette proposition. Simplement celle de se trouver un prétexte pour se racheter de ses vilaines paroles.

Depuis le début de cette journée, Galia se sentait comme un lion en cage. Coincée à l'intérieur alors qu'il faisait si beau dehors. Elle restait là à discuter avec des personnes s'intéressant à son art. Le manque de nourriture n'aidait pas la demoiselle qui affichait pourtant un large sourire. La photographe était au courant que c'était une réelle chance pour elle de se trouver ici, mais elle avait le sentiment que son temps aurait pu être bien mieux investi. En fait, elle avait l'impression de rester là à ne rien faire, elle qui était toujours active. Elle avait du mettre le frein et mettre sur pause un instant sa vie qui filait si rapidement jour après jour. Et lorsque l'homme vint critiquer ses œuvres, c'était un peu la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Et alors qu'elle avait pris la mouche, il avait fini par s'excuser. Et bien qu'elle puisse le trouver très attirant en temps normal, elle le trouvait particulièrement condescendant. Et le fait qu'il voile ses compliments derrières des critiques ne lui plaisait pas beaucoup. Elle devait avouer qu'il avait un charme particulier mais là n'était pas la question. Et alors qu'elle lui fit remarquer que sa manière d'aborder les autres était à revoir, il s'excusa à nouveau. Il ferait attention la prochaine fois. Elle hocha la tête en signe d'acceptation avant d'écouter la suite de ce qu'il avait à lui dire. Son regard posé sur elle la mettait un peu mal à l'aise. Elle avait cette impression qu'il étudiait chaque partie d'elle. C'était ... déstabilisant.

Comment aurait-il du tourner sa phrase ? Il y avait des tas de possibilités. Des tas de manière d'aborder quelqu'un. Des tas de façons d'entamer une conversation. Galia croisa les bras, le regardant comme s'il se moquait d'elle. Était-il sérieux en lui demandant ça ? « J'imagine déjà que vous auriez pu me dire bonjour ... ou quelque chose qui y ressemble avant de parler de ma photo sans jeter un œil dans ma direction. » Galia aimait le contact humain. Et là, elle était complètement perdue face au comportement et aux paroles de cet inconnu face à elle. « Et puis, même si j'imagine que je ne pourrai pas vous changer et changer la manière dont vous voyez les choses, vous auriez pu accorder un petit quelque chose de positif puisque mes photos semblent vous plaire autant que vous me le dites. Un petit 'mademoiselle, très jolis clichés que vous exposez là'. J'imagine que j'aurais été nettement plus réceptive à entendre vos remarques ensuite ... » Ou peut-être pas vu son état de stress, de fatigue et son envie de bouger de cet endroit complètement clos.

Par la suite, l'amateur de photographie se rattrapa en lui balançant quelque chose de positif. Elle le remercia tout en lui demandant si la technique était si importante tant que son message passait. En fait, elle s'était un peu mal exprimée et elle le comprenait en écoutant les paroles de celui qui se trouvait face à elle. Elle était bien consciente que chaque détail comptait dans l'histoire qu'elle avait à raconter. Aussi, elle lui répondit, un petit sourire sur le visage. « De toute évidence, je me suis mal exprimée. Bien sûr que chaque détail compte. Mais quand vous observez une photo, il n'y a pas que les détails, il y a l'histoire racontée. Une bonne photo vient vous toucher droit au cœur. Enfin, c'est mon cas, personnellement. Et puis, là ce sont les photos vues à ma manière. Tout le monde voit des choses différentes et pense les choses différemment. Je suis certaine que je n'aurais pas la même vision qu'un photographe de guerre, par exemple. » Ce qu'elle voulait dire, c'est que la technique variait d'un photographe à un autre et que quoi que le résultat donne, il y avait une histoire derrière. Une histoire qui méritait d'être racontée. Qui méritait d'être perçue dans sa globalité. Et quoi qu'il puisse dire, c'est de cette manière qu'elle voulait raconter cette histoire. Bien entendu, la critique permettrait de lui montrer un autre point de vue et peut-être qu'elle s'autoriserait à appliquer ces précieux conseils plus tard. « Et bien sur que votre point de vue m'intéresse vraiment à ce sujet. Ne me dites pas que quand vous apercevez une photo, vous ne faites qu'analyser les détails techniques et vous ne prenez pas simplement le temps d'être touché par elle ?! » Galia se laissait souvent cueillir comme une pâquerette lorsqu'elle observait le travail d'artiste de quelqu'un. Elle voyait les détails, mais elle avait tendance à voir la photo dans sa globalité. Chaque moindre détail faisait partie de l'histoire racontée.  

Son parcours raconté, elle avait cette impression qu'il semblait surpris de son parcours. Et pour cause. Même si elle faisait de la photo depuis une vingtaine d'années, elle n'en était toujours nulle part. Elle avait exposé quelques photos sans plus. Elle avait cette idée qui ne cessait d'être présente à chaque fois. Est-ce qu'elle devait continuer dans cette voie là ? Elle s'accrochait à sa passion et participait parfois à des projets comme celui qui l'avait amenée en voyage humanitaire il y a quelques années de cela. Mais finalement, elle était complètement inconnue au bataillon. Au départ, elle se souvient bien n'avoir pris des clichés que de sa famille et de ce qu'elle voyait tout autours d'elle. Tout était raison et prétexte à prendre en photo. Une grenouille dans le jardin. Une rose qui fleurit. Une réunion de famille. « Eh bien malheureusement, je ne les ai pas sur moi, mais ... La toute première que j'aie prise, c'est une photo de ma maman. » Ses yeux devinrent soudains rêveurs. Elle venait de repartir des années en arrière. Et c'était très clair dans son esprit. Elle venait de recevoir son appareil photo et la première chose qu'elle avait décidé de prendre en photo, c'est un portrait de sa maman. Aucun soin apporté à la luminosité ni à rien d'autre d'ailleurs. Galia avait pris en photo sa maman parce que c'était cette dernière qui le lui avait acheté. Pour son anniversaire. Et s'il y avait des tonnes de choses à immortaliser ce jour-là, c'est bien la toute première photo qu'elle avait faite et que sa maman avait fait développer. Aujourd'hui, Galia l'a encore dans un cadre posé sur un meuble de sa chambre. « Je vous assure que les photos que je réalisait au départ étaient bien moins jolies que maintenant. Moins harmonieuses aussi. En fait, j'ai tout appris seule, en expérimentant énormément. » C'est ce qu'elle faisait. Elle se lançait des petits défis et se dépassait toujours un peu plus.

Elle écoutait attentivement ce monsieur inconnu et son intérêt pour la photographie. Et puis, dans cet échange, elle compris à quel point elle l'avait surpris en emportant des petits fours pour les déguster et pouvoir remplir son estomac qui lui criait de lui donner quelque chose d'un peu consistant. Il s'était même arrêté dans son discours, sans doute surpris par le comportement de la photographe. Il semblait complètement ailleurs et Galia ne pu s'empêcher d'afficher une moue coupable lorsqu'elle le vit complètement ailleurs. Depuis quand n'avait-elle plus mangé ? « Mh ... Ce matin ?! Avant de venir. Je savais que j'aurais du prendre quelque chose à manger avec mais on m'a assuré que tout était prévu. » Et puis le voilà qui invitait Galia au restaurant. Pour se rattraper. Elle resta silencieuse un moment. Devait-elle accepter ? Elle n'en était pas certaine. Mais elle avait tellement fin qu'elle dirait oui à n'importe quelle proposition. « Je ... Mhh ... D'accord ?! » Elle venait d'accepter alors même qu'elle ne savait pas si elle appréciait cette personne. Alors même qu'elle ne le connaissait pas. Bon d'accord, elle avait déjà eu des rendez-vous avec des inconnus. Ce n'était pas nouveau. Mais quelque chose d'étrange semblait à la fois lui dire d'accepter et de refuser en même temps. Elle observa les aiguilles de sa montre avant de porter à nouveau son regard sur l'inconnu amateur de photos. « Ca va, il ne reste plus qu'une vingtaine de minutes avant que la galerie ne ferme. Je serai bientôt délivrée ! » Et elle pourrait enfin manger un vrai repas et non des petits fours piqués à la volée sur les plateaux qui passaient près d'elle.

@Damien Bates

Au départ, Damien cru perdre son temps. Enfin, habituellement, lorsqu'il allait à la rencontre de nouveaux artistes qu'il ne connaissait pas, il se focalisait directement sur leur boulot, comme il avait commencé à le faire avec Galia. Et sa réaction l'avait aussi surpris que refroidi. Alors qu'elle déversait sa colère et sa frustration, il l'observait d'un coin de l'œil en se demandant ce qui lui prenait, bien qu'il savait que c'était ce qui lui avait dit qui ne l'avait pas fait plaisir. Mais, il n'était pas du genre à être trop insistant, même si au final, il aimait quand même avoir raison. Un peu trop même. Mais étant en tort, et tout en ayant conscience de l'être, il n'avait pas voulu insister.
Ainsi, curieux de savoir comment il aurait dû tourner sa critique, Galia ne manqua pas de lui répondre tout en lui donnant des conseils sur sa façon de s'exprimer et sa communication. Alors, sur le fait, elle avait totalement raison et c'était bien pour cela qu'il ne la contredit pas. Mais, alors qu'elle lui étalait les mille et une autre façon de faire, il la regardait d'un coin de l'oeil, intrigué. Intrigué par ce caractère chaud et surprenant, mais aussi par ses ambitions. Une fois qu'elle termina, il la fixa un long moment en croisant les bras vers le bas, pianotant ses doigts dessus. Il battit des paupières doucement en reculant légèrement sa tête, comme s'il se réveillait d'un mauvais rêve et qu'il devait faire face à présent à la réalité.

"Je conçois, vous avez raison sur le coup, j'en tiens compte. En revanche, dites moi, vous comptez... poursuivre, dans le métier? Je veux dire... en tant... qu'artiste photographe?" s'interrogea-t-il de manière très sérieuse.

Il n'avait pas manqué l'occasion d'exprimer (une partie de) son point de vue lorsqu'elle lui demanda, du moins ce fut ainsi qu'il le comprit, si les détails comptaient vraiment du moment que le message voulu passait. Quand elle se rendit compte qu'elle s'était mal exprimée, en tout cas, que le message était mal passé, elle se corrigea en exprimant un peu mieux ce qu'elle avait voulu dire. Lorsqu'il l'écouta, il eut un sourire amusé à tel point qu'il dut basculer sa tête vers l'avant pour cacher son rire, non pas de moqueries, mais du fait que tout ce qu'elle disait, eh bien, il le savait déjà. Son hilarité atteint son apogée lorsqu'elle évoque son métier A LUI sans pour autant savoir visiblement qu'il était dedans. Certes, il ne faisait pas que cela, des photos de guerre, mais bien qu'elle avait son point de vue sur la chose, il se trouvait, une fois de plus, en désaccord. Il finit par redresser totalement la tête et secoua les épaules.

"C'est un point de vue qui se défend." accorda-t-il tout simplement. "Cela dit, je n'ai jamais dit qu'il n'y avait que la technique qui comptait. Tout comme le fait que je trouve vos photos réussies malgré leurs imperfections... techniques."
Un nouveau sourire pour accompagner ses paroles avant qu'il ne poursuive :
"Croyez moi, Galia, je suis le premier à être touché par une photo. Je suis très sensible à l'art en général, et encore plus la photographie. Ce que je veux dire c'est que, pour qu'une photographie procure une vive émotion, il faut qu'elle soit... parfaite. Sinon le message renvoyé ne sera pas forcément celui attendu. Tout est important, absolument t-o-u-t. Et vos images sont belles, et je comprends l'idée... mais je pense qu'elles pourraient être encore meilleures. Cela ne signifie pas que vous êtes... incompétente ou pas faites pour, non. Je pense même que c'est vraiment une vocation et que vous avez le truc. Mais je suis certain qu'en l'améliorant, elle pourrait dégager... une aura encore plus forte. J'en suis même convaincu."
Il se pinça les lèvres et secoua les épaules. Il était vrai que comme pas mal d'artiste, elle travaillait sur le faux. Par exemple, la personne sur l'image qu'il observait depuis tout à l'heure et qui avait été le feux de ses critiques n'étaient pas réellement morte. C'était tout une mise en scène, et vu son objectif, c'était encore heureux. Il faisait des choses différentes, c'était vrai. Il n'avait jamais vraiment fait de mise en scène comme c'était le cas là. Ca lui était arrivé mais c'était pas tellement son kiff pour le coup, en tout cas, son objectif personnel. Il avait déjà fait des portraits, mais encore une fois, bien que sa démarche soit artistiques, il l'avait toujours fait dans l'intention de dénoncer. Et les personnes qu'il avait prit en portait, ce n'était pas des mannequins qui posaient pour renvoyer ce message désiré, c'était de vrais gens qui occupaient leur véritables... rôles, dans la vie quotidienne. Un médecin, un soldat, un orphelin... tout était vrai. Mais là encore, c'était parce que c'était sa propre démarche personnelle et il n'avait aucune intention d'aller fustiger ceux qui ne le faisaient pas.

Damien s'intéressa un peu plus à son historique et elle lui répondit, légèrement rêveuse, que la première photo qu'elle avait prit était un portrait de sa mère. Assez surpris, Damien haussa les sourcils mais éprouva un sentiment de tendresse. Il ignorait totalement son histoire qu'il savait susceptible d'être touchante, étant donné qu'il avait sa corde sensible à ce sujet. Il fut un peu plus amusé lorsqu'elle lui assura que ses premières photos n'étaient pas comparables à celles de maintenant. Il fit une moue sceptique, bien qu'il pouvait lui accorder le point sur le coup. Ses premières photos à lui non plus n'avaient rien à voir avec les premières.

"Mmmh, c'est en forgeant qu'on devient forgeron" fit-il remarquer. "Mais du coup, j'ai encore plus envie de voir le désastre de vos débuts."

Evidemment, il était taquin pour le coup et ça se sentait aussitôt au ton de sa voix. Il ponctua d'ailleurs sa phrase par une expression amusée et l'envie de rire qu'il réprima aussitôt.
Puis, alors qu'il expliquait son propre intérêt pour la photographie, toujours sans mentionner le fait que c'était également son métier, il fut coupé par l'arrivée d'un serveur avec un plateau de petits fours dont Galia se vautra dessus. Ca le surprit tellement qu'il en était resté littéralement médusé, en essayant de comprendre ce qui se passait. Galia lui répondit alors qu'elle n'avait pas mangé depuis ce matin et Damien resta toujours bouche bée.
"Mais... vous avez mangé QUOI au juste ce matin? Un petit pois? Parce que là c'est pas assez pour tenir la journée."
Il se proposa aussitôt pour l'inviter au restaurant. Sur le moment, il ne l'avait pas fait avec une intention derrière, c'était réellement parce qu'il l'avait vue affamée et qu'en prime, il avait à se faire pardonner qu'il l'avait fait. En y réfléchissant, ça pouvait aussi être un moyen de pouvoir mieux se connaitre et même se comprendre. Peut être qu'elle aura ainsi l'occasion de découvrir qu'il n'était pas qu'un simple amateur dans le domaine de la photo, et peut être même qu'elle connaissait son travail sans le visualiser de tête. Il avait cru comprendre quand elle avait évoqué les photos de guerre et vu la coïncidence...
Après hésitation, elle accepta. Elle lui informa qu'il n'y avait plus que vingt minutes avant la fin et il secoua les épaules.

"D'accord. Je vais continuer à faire un tour pour me faire un second avis sur l'ensemble. On se retrouve à la sortie?"

Il arqua un sourcil, attendant sa réponse officielle et définitive.

Galia avait envie de secouer la personne qui se trouvait en face d'elle. cet abruti amateur de photographie. Ce critique en herbe qui se permettait de juger son art comme si elle n'y connaissait rien. Et c'est certain qu'elle était déjà bien à cran avec le manque de nourriture. Et quand cet inconnu lui demanda si elle comptait continuer dans le métier, elle avait l'impression qu'il lui disait de s'arrêter là parce que ce n'était pas fait pour elle. Alors elle croisa les bras sur sa poitrine en guise de fermeture. Sans doute aussi de protection. « Si je compte continuer ? » Elle afficha un sourire. Mais pas un sourire très chaleureux. Celui qui veut dire tu te fous de moi ? « C'est une vraie question, là ?! » Elle rit quelques secondes avant de continuer. « Non en fait, je comptais changer du tout au tout, plaquer toute ma vie et repartir à zéro en devenant serveuse dans un resto miteux, revendre mon matériel et puis peut-être gagner à la loterie et me payer des plus belles photos. » Bon d'accord, elle avait clairement abusé sur le tableau de cette vie qui ne lui ressemblait pas. Parce que franchement, pour rien au monde elle ne souhaiterait abandonner son métier, même si c'était compliqué pour elle et qu'elle ne voulait pas se plier à quelque chose de trop conventionnel. Elle avait reçu pas mal d'offres de la part de magazines ou encore du journal local. Galia avait fait un seul voyage humanitaire pour en faire un reportage et ça, c'est une expérience qui lui avait permis de montrer clairement de quoi elle était capable. Parce que au delà des photos qu'elle faisait en studio habituellement, elle aimait prendre des gens inconnus en photo. Elle aimait immortaliser les rues de jour comme de nuit. Elle aimait voir la beauté en chaque chose. Donc oui, cette question qu'il venait de lui poser était complètement idiote.

Galia faisait semblant de paraitre occupée en remettant des cadres droits, en regardant quelques papiers tandis que cet inconnu continuait de dire que ses photos n'étaient pas parfaites. Elle écouta pourtant chacun de ses mots. Chacun, sans exception avant de lâcher un soupire bien audible et de reprendre la parole. « Peut-être qu'on n'a tout simplement pas la même vision de la perfection. » Elle était plantée là, debout devant lui, le regard planté dans le sien. Un regard de défi. Un regard qui voulait clairement lui signifier de se taire au risque de s'attirer les foudres de la demoiselle. Même s'il se les attirait déjà, en quelque sorte. « Et je trouve que de la part d'un amateur de photographies et d'expositions, c'est extrêmement culotté de me dire comment faire mon travail. »

Encore sur la défensive, elle se calma un peu lorsqu'il s'intéressa à elle et à son parcours. La nostalgie avait envahi l'esprit de la jeune femme alors qu'elle repensait à ses premières photos. Floues mais pas dénuées d'un certain charme. « Ils méritent le détour, ces clichés, vous savez ! » Sa mère était fière de Galia. Elle avait toujours soutenu la photographe dans ce qu'elle entreprenait. Et ce portrait mythique est resté longtemps parmi les photos qui ornaient les murs de l'escalier menant à l'étage de sa maison d'enfance. Elle y figure toujours à l'heure actuelle à côtés de photos de l'enfance de Galia et de l'adolescence de cette dernière et d'Elyanna qui a vécu là pendant un moment. Toutefois, il était certain qu'elle ne lui montrerait jamais ces photos puisqu'elle ne le reverrait probablement plus jamais après cette rencontre. Du moins, c'est ce qu'elle espérait.

Surprise pour elle comme pour lui. Un serveur. Un plateau avec des petits fours. Et une Galia qui sautait sur ce plateau comme un animal dangereux affamé, prêt à dévorer sa proie. Mais qu'avait-elle mangé au matin ? C'est avec peine qu'elle se souvenait de son repas qui lui plaisait pourtant beaucoup. « Des pancakes avec des framboises et un jus de fruit ?! » Elle semblait poser une question. Pas à cet inconnu, non. Elle se demandait à elle-même si c'était bien le contenu de son assiette de ce matin. « Mh ... oui, c'est bien ça. » Parfois, elle pouvait passer une journée complète sans manger quelque chose de réellement consistant. Elle grignotait par-ci par-là. Mais aujourd'hui était sans doute bien différent avec le stress de son vernissage. Le critique invita alors Galia au restaurant et sans réellement comprendre pourquoi, elle accepta. Il informa la photographe qu'il allait faire à nouveau un tour avant de se retrouver à la sortie. Elle haussa un sourcil et elle ne put s'empêcher de lui répondre alors qu'il s'éloignait déjà. « Très bien, on se retrouve à la sortie ! N'hésitez pas à faire autant d'effet à d'autres artistes, je suis certaine qu'ils apprécieront votre approche ! »

Les vingt minutes restantes semblaient durer une éternité tant elle se concentrait sur son estomac qui continuait de la torturer. La journée se termina et Galia sorti de la galerie, balayant les alentours du regard à la recherche de ce monsieur dont elle ne connaissait toujours pas le prénom. Elle aperçu finalement son visage et se dirigea vers lui. « Bon ... On se le fait toujours, ce resto ? » Galia avait l'impression que c'était une mauvaise idée. Sans doute allait-elle l'accompagner pour au final quitter l'établissement sans même avoir avalé une miette de nourriture parce qu'elle en aura eu marre de ses réflexions. Peut-être qu'elle ferait l'effort de le supporter jusqu'à ce qu'elle puisse manger quelque chose et après quoi elle réévaluerait la situation ...

@Damien Bates

Plus il parlait, plus Damien avait la sensation que ce qu'il disait était encore plus mal interprété que la parole précédente. Il pouvait cependant la comprendre, si c'était sa première fois, qu'elle soit autant nerveuse et autant sur la défensive. Il y avait deux écoles à cela, celle ci, et celle des personnes qui acceptaient sans rien dire. Il devait admettre plutôt mieux apprécier celle de la photographe même s'il comprenait encore une fois qu'il se faisait mal comprendre. Quand elle répéta la question qu'il lui avait posé à savoir si elle comptait continuer, avant de lui faire comprendre qu'elle l'avait hyper mal pris et répondit tout une réponse très ironique. Damien ouvrit légèrement la bouche, fronça les sourcils et battit plusieurs fois des paupières, assez déconcerté par cette réaction là.
"En fait, je vous ait demandé ça parce que eum... si vous avez à faire à un critique professionnel un jour, il sera beaucoup mais alors beaucoup moins sympathique que moi et beaucoup plus personnel. Le genre qui ne reprend pas seulement la technique mais aussi toute l'interprétation, le boulot donné dessus et qui va chercher à démonter parce qu'il trouvera tout le boulot à refaire et... bref, je vous passe les détails. Ma question est donc la suivante : est ce que vous êtes réellement prête pour cela?"
Il avait déjà eu à faire à cela, évidemment et autant dire que ça calmait de suite. Il comprenait juste que si ce qu'il avait dit l'atteignait à ce point, il imaginait même pas sa réaction face à un réel critique d'art et qui était soi disant qualifié pour cela. Personnellement, il détestait cela, mais ils étaient là parce que... en fait non, il ignorait réellement la raison de leur existence. Il y aurait soi disant des critères pour juger si un travail était bon ou non. Dans un monde capitaliste où tout était non seulement sur les apparences mais aussi sur l'argent, il fallait bien que ce métier existe. SInon comment ferait les milliardaires pour acheter des oeuvres d'art? Ils n'allaient tout de même pas acheter la toile ou la photo du premier connard qui le proposait?

Malheureusement pour lui, son cas ne s'arrangea pas. Elle le reprit en lui disant, justement, qu'ils n'avaient peut être pas la même notion de ce qu'est la perfection. Touché. Il secoua les épaules. "Oui, clairement." approuva-t-il. Puis elle lui sorti qu'elle trouvait cela gonflé de se permettre de lui sortir tout ça alors qu'il n'était qu'un amateur. Il leva soudainement les yeux sur elle, resta un moment ainsi, les sourcils haussé avant d'éclater d'un doux rire.
"Amateur... Ah oui, peut être que c'est le cas en effet. Je vous présente mes excuses, princesse."  

Alors qu'il s'intéressait à ses débuts, elle soutint que ces photos là méritaient le détour. Damien secoua doucement la tête.
"Oui, je veux bien le croire" approuva-t-il. Lui même, ses premières photos étaient uniques en leur genre. Les plus personnelles qu'il possédait.

Quand il la fit s'enfiler autant de petits fours, il s'était inquiété pour elle. Déjà parce qu'elle avait pas mangé à midi, mais aussi parce que quand elle lui exposa le contenu de ce qu'elle avait ingéré dans la journée, non seulement elle ne semblait pas elle même convaincue, mais aussi parce que ce n'était pas vraiment ce qu'il y avait de plus nourrissant.
"... D'accord..."
Il se saisit donc de l'opportunité pour aller manger quelque chose à l'extérieur, une fois l'exposition terminée. A vrai dire, vu comment ça s'était passé entre eux, il s'était attendu à une réponse négative. Peut être était-ce la faim qui l'avait amenée à accepter? En tout cas, il n'allait pas se le faire répéter plusieurs fois. Elle lui conseilla de faire la même approche à d'autres artistes, parlant de la manière dont il avait abordé son art.
"Oh, eum, c'est... déjà fait. Et je suis vraiment navré que ça ait eu une répercussions aussi négatives. Ca n'était pas voulu."

Il l'avait sagement attendue à la sortie. Elle finit par apparaitre pour lui demander s'il allaient le faire le restaurant. Il fléchit ses bras et se pinça les lèvres.
"Eh bien, si vous avez toujours faim, mon offre tient toujours en effet" répondit-il, commençant déjà à regretter son invitation.

Galia n'était pas la plus agréable du monde face aux paroles de celui qui se trouvait en face d'elle. En fait, elle était même énormément sur la défensive. Et peut-être était-ce une mauvaise technique. Peut-être finira-t-elle avec une critique dans un journal avec un titre du style "photographe promise à un avenir incertain vu son accueil". Et Galia ne préférait pas y penser. Tout ce à quoi elle préférait penser, c'était de défendre ses photos, mais aussi de manger quelque chose. Et quand il lui demanda si elle était prête à faire face au critiques, elle ne pris aucun moment pour réfléchir avant de lui répondre. « Je pense que je pourrai gérer la situation, merci de vous inquiéter. Au pire, je pourrai toujours les adresser à vous, j'suis certaine que vous auriez des choses à vous dire ! » Galia prit sur elle pour se retenir de sortir les paroles suivantes qui seraient nettement moins bien accueillies par cet inconnu qu'elle avait en face d'elle. En fait, elle ne sait pas réellement pourquoi elle prenait aussi mal ce que cet homme pouvait lui dire. Plusieurs avant lui avaient fait des remarques et elle avait réagit d'une manière bien plus délicate. Pourquoi donc était-elle aussi intensément sur la défensive ? Galia n'avait pas la réponse à cette question. Et puis de toute façon, elle ne reverrait probablement plus cette personne après cette soirée interminable.

Et tout lui semblait d'autant plus interminable parce que cet homme ne semblait pas réellement vouloir décoller de là. Il semblait vouloir rester et continuer à taquiner Galia, ce qui n'arrangeait ni le cas de la jeune femme qui commençait à perdre patience, ni son cas à lui puisqu'il se prenait de plus en plus de remarques en pleine figure. Notamment le fait qu'elle finisse par lui dire que c'était culotté pour un amateur de critiquer autant son art. Forcément, elle n'avait aucune idée de qui était en face d'elle. Et si elle savait, peut-être aurait-elle agit différemment. A cela, il répondit d'une manière déplaisante en la surnommant princesse. Princesse ? « Pardon ?! » C'est tout ce qu'elle trouva a répondre. Elle aurait pu lui sortir plein de choses en retour, mais rien ne lui venait si ce n'est un malheureux pardon.

Heureusement, elle arriva à se calmer et à reprendre un peu le contrôle de son être qui ne demandait qu'une seule chose, le plaquer contre le mur. Elle ne se posa aucune question sur le pourquoi puisque de toute façon, elle ne le ferait pas. Et elle ne savait pas non plus pourquoi elle avait accepté cette invitation à manger quelque chose avec lui. Pourquoi était-ce si compliqué pour elle de refuser poliment ? Décliner l'invitation et aller manger un truc seule avant de retourner chez elle et de s'affaler dans son lit en soupirant à l'idée de ce qu'elle venait de vivre. Mais non. Elle avait choisi par accepter. Par lui dire oui. Et alors qu'elle pensait qu'il allait prendre la fuite et la laisser seule à la sortie de la galerie, elle le vit bel et bien présent. Plus moyen de faire marche arrière. Et de toute façon, est-ce qu'elle en avait envie ? Elle n'aurait su le dire. « D'accord ... Eh bien je vous laisse choisir l'endroit ? » Elle n'avait pas la force de choisir. Pas l'envie non plus. Et puis peut-être que si la cuisine était douteuse, elle pourrait à nouveau s'en prendre à lui. Ou au contraire, si c'était un endroit parfait, Galia pourrait se rattraper pour tout ce qu'elle a pu lui dire avant.

@Damien Bates
(pardon pour l'attente bichette )