Matthew venait d’entrer dans le disquaire. Il avait en tête de s’acheter plusieurs morceaux. Il voulait se laisser tenter par des disques qu’il n’avait encore jamais écoutés. Il aimait particulièrement la musique qui le faisait voyager à travers les époques. Des musiques envoutantes à mettre dans l'appartement et qui lui donne tout simplement envie de fermer les yeux, de s’étendre dans son lit et de se plonger dans un autre monde. De la musique celtique, folk, médiévale, antique, juive, turc, du moyen-âge. Il se laissait emporter par toutes sortes de sons, de mélodies, de frénésies. Le sentiment qui le parcourait lorsqu’il se laissait complètement aller dans une pièce musicale était indescriptible. De grands frissons parcouraient son corps tout entier. Il aimait se considérer comme un artiste complet. Il était capable de toucher à tout; autant la musique, que le théâtre, que la danse, que la sculpture, que la peinture, que la poésie. Il avait toujours eu l’âme d’un grand sensible. Il partageait plusieurs de ses passions communes avec un cercle de personnes privilégié. Il aimait faire part de son talent aux autres. Il n’était pas quelqu’un de présomptueux. Au contraire, il était humble et faisait preuve d’une grande humilité face aux autres. Il avait toujours été dévoué et il aimait penser qu’il donnerait sa vie pour venir en aide à une cause. D’ailleurs, il avait eu un ami qui avait été touché par une terrible maladie: le cancer. Il avait fait plusieurs donations à la fondation pour venir en aide. Mais il s’était tout de même senti inutile dans cette période de sa vie. Il aurait bien aimé pouvoir aider basil à combattre plus fort, plus longtemps. À lui donner plus de jours avec eux. Mais il n’avait pas réussi. Il n’avait pas réussi à faire ce que la médecine n’avait pas réussi non plus. Matthew, il étudiait en cardiologie. Il voulait donner sa vie pour sauver celle des autres. Il mettait tous les efforts possibles dans ses études et consacrait sa vie à la cause. Pour ne plus avoir à revivre de perte horrible. Il voulait suivre l’avancée de la technologie médicale. Il avait envie de voir l’évolution vers une meilleure espérance de vie, puisque la sienne et elle de son ami avaient été écourtées.  

Plongé dans ses pensées, il ne fit pas trop attention à ce qui était autour de lui. Aussi, il était trop obnubilé par cette magnifique pièce de chef d’œuvre. Il avait toujours voulu s’acheter un tourne-disque, pour écouter tranquillement sa musique de l’époque. Plusieurs l’avaient jugé sur ses goûts musicaux, mais Matthew avait une veille âme. Il était un artiste complet, qui avait de multiples talents. Le chant, la basse, mais il avait aussi appris à jouer un peu de piano. Surtout, grâce à l’aide d’Ellie. La tête plongée dans ses paroles, Matthew ne se rendit même pas compte qu’il venait de percuter quelqu’un. C’est seulement lorsqu’il se retourna qu’il finit par dire « Pardon », car il était dans l’espace personnel d’une autre personne. Mais il releva la tête avant de voir que cette personne n’était nul autre que... « Mais basil» basil. Il avait été le petit copain de sa cousine Nova, son seul amour. Mais il avait aussi été un grand ami pour Matthew. Il s’était rapidement lié d’amitié avec l’homme au caractère très doux, tout comme lui. Et il les avait tous les deux détruits avec son départ vers l’au-delà. Il se souvient avoir récupéré Nova à la petite cuillère. L’avoir vu pendant des jours sans sourire, sans rire, sans apprécier la vie qui lui était offerte. Et ce n’était pas du tout dans ses habitudes, elle qui était pétillante et pleine de joie de vivre. Matthew ne l’avait pas reconnu durant plusieurs semaines. Et en tant que jeune homme très admiratif de sa cousine, ça l’avait beaucoup inquiété. Il était complètement abasourdi. Il pensait que sa vision le trompait. Il passa plusieurs fois ses mains devant ses yeux, comme pour être certain qu’il n’était pas en train d’halluciner la présence d’un fantôme du passé « Comment c'est possible? » dit-il décontenancé. S’il y avait bien une chose dont Matthew ne s’attendait pas aujourd’hui, c'était de faire face au jeune homme qui était devant lui, dans la boutique de musique et qui était tranquillement venu se chercher un disque. Probablement le dernier des Everlasting syndrome d’ailleurs. Il se souvenait comme basil était fan de leur musique. Mais là tout de suite, il n’arrivait pas à comprendre comment la vie pouvait lui jouer un tel tour? Comment devait-il se sentir? Devait-il être content de retrouver un vieil ami? Ou plutôt être furieux de s’être fait cacher la vérité pendant aussi longtemps? La dernière option semblait être justifié dans ce contexte.    

J'ai un mauvais pressentiment. Mais je ne peux pas m'enfermer à la maison. Je suis revenu uniquement pour retrouver mes amis, mon ancienne famille, celle que j'ai choisie. Mais... J'ai bien compris que mon retour n'était pas forcément le bienvenu. Moi qui pensais faire une bonne surprise à mes proches, ils m'en veulent parce que je suis en vie. Je sais, il faut que je les laisse se calmer. Mais ça fait mal, quand même... De voir ses proches plus en colère qu'heureux. Surtout moi, altruiste comme je suis, j'ai beaucoup de mal à les voir dans cet état. Et aujourd'hui, j'ai l'horrible sensation que je vais revoir quelqu'un que je connais. Mais ça, ça m'arrive tous les jours depuis que je suis revenu. Eh bien, oui, il faut bien que ça arrive. Je ne peux quand même pas leur envoyer un texto d'entre les morts en disant « Hey tu te souviens de moi ? Non ce n'est ni un fantôme ni un hacker, je suis bel et bien en vie, j'étais mort mais ils m'ont ramené, et tu sais ce cancer dont je t'ai parlé ? Bah il s'est tiré ! ». Ce serait vraiment insolent... Et j'avais bien prévu d'aller les voir un à un mais comme ça me prend beaucoup d'énergie... Rien qu'avec Nova, ça a été une expérience... Je ne suis pas prêt de recommencer. Pas tout de suite. Et pourtant...

Et pourtant, alors que je me dirige chez mon disquaire préféré pour aller chercler les vinyles en édition limitée des Everlasting Syndrome, je m'attends à tout moment à rencontrer quelqu'un que je connais et qui me croit mort et enterré. En parlant de ça, personne n'avait assisté à mon enterrement puisqu'il n'y en a pas eu. Mais... mes proches ont tous cru les mots de ma mère quand elle leur a dit qu'on m'enterrait à New-York. A New-York ! Alors que toute ma vie est ici, à Monterey ! Ils devaient être bien trop dévastés pour y penser. Enfin, je ne leur en veux pas. Pourquoi je leur en voudrais ? J'en veux principalement à ma mère pour ce gros mensonge. Et à cette fichue maladie. J'aurais préféré qu'elle m'emporte pour de bon... Et en même temps, je suis heureux de pouvoir retrouver mes proches, même si ça signifie de les voir en colère pour un moment.

Le précieux vinyle en main, on s'excuse après m'avoir bousculé. J'arbore un beau sourire doux comme j'en ai l'habitude juste avant de voir qui s'excuse. Ah... « Matty... » Mon sourire s'éteint. Je suis heureux de le revoir. Lui et moi, on s'entendait si bien. On partageait beaucoup de choses et nos caractères se ressemblaient... Je crois qu'ils se ressemblent toujours mais après tout ça, je ne suis plus sûr de rien. Et si je suis heureux de le retrouver, je ne peux pas le montrer. Parce qu'il a besoin d'explications et parce qu'il sera très certainement en colère. « Je... J'ai vaincu mon cancer quand je suis revenu à la vie... Mais... Ma mère a omis de vous parler de cette partie. » Je n'ai pas envie qu'il m'en veuille. Je rejette la faute sur ma mère mais c'est aussi la mienne. J'aurais pu les appeler... J'étais trop amorphe pour le faire. Et j'avais trop peur de mourir à nouveau et pour de bon cette fois. Et je pensais aussi simplement que j'avais rompu avec Nova. J'étais loin de penser qu'ils me croyaient tous mort. « Je ne savais pas que j'étais mort pour vous. Je... Je suis vraiment désolé. Tu dois me détester... Et ça se comprend. » Il peut me demander n'importe quoi que je le ferais. Je suis venu pour retrouver mes proches mais s'ils ne veulent plus de moi, je le comprendrais parfaitement. Je suis venu dans cet état d'esprit, après tout.

Il n’en revenait tout simplement pas. Il connaissait Basil. Enfin, c’est ce qu’il avait cru. Il ne le pensait pas du tout comme ça, capable d’inventer une telle histoire. Matty pouvait comprendre que dans certaines situations, il pouvait s'avérer mieux de mentir, mais il ne comprenait vraiment pas comment on pouvait mentir sur un cancer. C’était plutôt sérieux. Mais il n’aimait pas s’avancer et assumer que Basil avait menti. Il y avait surement une explication logique qui pouvait justifier tout ça. Il s’en voulait un peu à cet instant de ne pas paraître plus heureux que ça de le voir. Tout ce qu’il trouva à dire « Tu me pardonneras si j’ai l’air si surpris, mais aux dernières nouvelles.... Tu n’étais plus parmi nous... » Et il l’avait difficilement digéré cette nouvelle... Difficile de s’imaginer comment c’était possible, que Basil se tienne devant lui. Il attendait la suite, que les explications du jeune homme vienne, car après tout, il lui devait bien ça. Il pouvait facilement deviner qu’il n’était pas mort finalement s’il se trouvait devant lui. Mais pourquoi attendre autant de temps avant de les avoir prévenus ? Surtout Nova... Matty ressentait un pincement au cœur à cet instant. Il espérait simplement que ce n’était pas son cœur qui était en train de lui faire défaut, mais qu’il avait simplement le cœur détruit pour sa cousine. Ressentir une telle souffrance ne devrait pas être permis. Matty ferait tout pour lui éviter cette souffrance une seconde fois. Il éloignerait Basil s’il le devait, s’il devait comprendre qu’il était devenu une de ces personnes toxiques.

Mais il pouvait comprendre. Il pouvait comprendre que sa mère avait caché la vérité à tout le monde, car ses parents avaient pratiquement fait la même chose avec lui quelques années auparavant lorsque Matty s’était effondré sur le terrain de foot. Ses parents lui avaient interdits de reprendre le contact avec l’équipe et même avec les ES. Matty avait laissé tout le monde dans le doute. Il pouvait comprendre comment Basil se sentait. Il pouvait comprendre que ça avait été difficile pour lui aussi d’être loin de tous, de sa vie à Monterey. Être loin de Nova et il l’espérait, que c’était difficile ne serait-ce qu’un peu d’être loin de lui aussi... Parce que mine de rien, Matty s’attache rapidement aux gens en général et Basil n’y avait pas fait exception. Et pour lui, ça avait été difficile de perdre son ami. Il avait réussi à se frayer une grande place dans la vie du jeune brun. Il se souvient comment c’était facile avec lui, comment il pouvait lui parler de tout. Même s’il ne s’intéressait que très peu au sport, il se souvient comment Basil l’écoutait parler du foot pendant des soirées entières. Et pour ça, il lui devait un grand respect pour ses capacités d’écoute hors normes. Il se souvient l’avoir saoulé pendant des soirées à lui parler de ses problèmes. Et Basil, il ne bronchait jamais. Il faisait juste lui montrer son support et être de bons conseils.

Il devait avouer qu’il ne savait pas trop comment réagir face à tout ça. Matty, il était tout sauf méchant. Il était compréhensif de la situation, mais il était tout de même choqué. Il était choqué de l’histoire que Basil lui racontait et à quel point ça avait dû être difficile pour lui. Seule question qui lui passa par la tête « Pourquoi tu n’es pas revenu avant ? » Pourquoi tu nous as tous laissé avec l’idée que tu étais mort ? Mais maintenant, il doutait de lui. Il doutait de s’il avait fait la bonne chose. Il doutait d’avoir cru sa mère et il doutait d’avoir été un bon ami à cet instant, de ne pas s’être posé plus de questions sur cette mystérieuse mort soudaine, quoi que plausible. Après tout, il avait bel et bien un cancer. Matty ne s’en serait jamais remis s’il avait menti sur cette partie de l’histoire. « Je te déteste pas du tout Basil, au contraire. C’est horrible ce que tu as vécu. » Matty imagine ses parents avoir poussé le mensonge jusqu’au bout et à quel point il aurait été en colère contre eux. Il ne pouvait pas concevoir que c’était ce que Basil avait vécu. Matty au fond, il était peut-être trop bon, mais il était heureux de le revoir. Alors, il le prit doucement dans ses bras, ce qu’il aurait aimé faire des années auparavant. Mais il en avait été privé, car il croyait son ami décédé. Mais aujourd’hui, il était bien heureux de le retrouver.

Si je lui pardonne d'être surpris. Franchement ? Je ne me serais pas pardonné si j'avais été à la place de Matty. Et il y a de quoi : ça fait un an, plus ou moins, que je suis mort à leurs yeux. Que je n'existe plus. Ils ne s'attendent pas à me revoir au détour d'une rue ou en plein magasin, c'est normal puisque je suis censé être sous terre à cette heure. Pourtant je suis là. Et je m'en veux horriblement d'avoir attendu tous ces mois pour revenir. J'avais besoin de temps pour moi, pour apprendre à vivre à nouveau. Sortir de ma dépression. Alors je lui explique avec l'espoir qu'il ne me déteste pas. Parce que je n'ai pas envie qu'on me déteste, surtout à cause d'un mensonge que je n'ai pas contrôlé. Et j'en veux à ma mère de leur avoir raconté ça sans leur avoir dit la vérité. Et je m'en veux aussi de ne pas l'avoir fait moi-même. Je n'étais pas en état de le faire mais je m'en veux quand même. Et je m'en voudrais certainement toute ma vie.

Surtout Matty, je ne voulais pas qu'il l'apprenne comme ça. Je comptais le préparer un minimum, je ne sais pas, demander à Nova de m'aider. De le préparer psychologiquement. Je ne sais vraiment pas. Mais il fallait que ça arrive de toute façon. « Parce que... Je suis tombé dans une lourde dépression. Et j'avais peur de revenir pour au final vous quitter à nouveau à cause de la maladie. Je ne voulais pas vous infliger ça. Je pensais que j'avais eu une grosse dispute avec Nova et qu'on avait rompu, c'est ce que ma mère m'a raconté. Alors... Je suis resté loin en espérant mourir pour de bon. Mais quand on m'a annoncé que j'étais guéri, quand ma mère a fini par tout me déballer... Je me suis décidé. Parce que je vous aime et que vous me manquez beaucoup trop... Je sais, c'est égoïste. » Je soupire en évitant son regard. Bien sûr que c'est égoïste. Peut-être que j'aurais mieux fait de ne pas revenir, de les laisser, après tout, ils ont fait leur deuil et ils ont continué leurs vies. Je ne fais que de remettre le bazar, maintenant.

Et soudain, il me dit qu'il ne me déteste pas. Quand moi je me hais d'avoir pris tout ce temps pour être sûr, voilà que lui, il ne me déteste pas. Et qu'il me plaint, même. Ma gorge se serre. Bon sang, voilà pourquoi je les aime, mes amis. Ils sont en or. Il se rapproche et je l'entoure de mes bras pour un câlin. Qu'est-ce que ça fait du bien... Son odeur familière m'apaise. Je ferme les yeux, poursuivant l'étreinte. « Tu m'as manqué, Matty. » Que je lui dis avec un sourire en me reculant un peu. Puis je lui montre les vinyles. « J'ai essayé de vous suivre malgré tout. Vous avez grave progressé ! »

Même si Bazz avait six années de plus que Matty au compteur, la différence d’âge n’avait jamais empêché que les deux hommes soient très proches. Et puis, quelle joie pour Matty lorsqu’il avait découvert que sa cousine avait un copain aussi attachant, touchant, attendrissant et charmant que Bazz. Avec lui à ses côtés, Matty savait que Nova était entre de bonnes mains. Il avait toujours admiré cet amour que les deux partageaient. Parce qu’il savait oh combien que Nova aimait Bazz et que Bazz l’aimait en retour. Cet amour qui le faisait rêver depuis bien longtemps, presque jalouser en secret. Cet amour aussi puissant qu’il rêvait de vivre à son tour. Ce modèle de perfection. Celui qu’il idéalisait, celui qu’il voulait atteindre. Le couple goal pour Matty. Il avait toujours perçu Bazz comme une sorte de grand frère pour lui. Celui qui lui donnait de bon conseil, qui veillait sur lui, même de là-haut. Celui qu’il admirait, un peu comme un modèle. Celui qu’il rêverait de devenir. Parce qu’avec toutes ses qualités, Bazz était un humain hors du commun. Sa douceur, sa sensibilité et sa fidélité en faisait un jeune homme exemplaire. Tout le contraire de son grand frère. Parce que Matty n’avait jamais eu la chance d’avoir une telle relation, même s’il était vraiment proche de Zach. Ses cousins, ils étaient sa famille, toute sa vie.

Voir Bazz aussi peiné attendrissait Matthew. Le sentir aussi vulnérable lui faisait chaud au cœur, lui prouvant qu’il était capable de s’abandonner à ses émotions, même s’il n’avait jamais eu aucun doute le concernant. Ce n’était pas la première fois que Bazz se confiait à lui, mais c’était la première fois depuis des lustres. Et ça lui avait manqué. Tout lui avait manqué. Il lui avait manqué. Partager des moments avec lui, des fous rires, des histoires rocambolesques... mais quelles histoires pourraient être plus rocambolesque que celle de sa mort maintenant ? Rien ne lui semblait atteindre ce niveau de dinguerie « Tu m’as manqué, tout de toi m’a manqué » dit-il toujours en l’étreignant. Partager un vrai moment de bromance surtout. « J’ai tout mon temps Bazz... allons chercher un morceau » lui propose-t-il. C’est qu’il commençait à devenir un peu pâle. Parce qu’il n’avait pas mangé depuis longtemps ou parce qu’il s’apprêtait à mourir devant lui une seconde fois ? « Mais maintenant... tu es complètement guéri » s’inquiète-t-il.

Matty et moi, on entretient une relation particulière. C'est seulement le cousin de Nova mais on s'est tout de suite très bien entendu. Je l'ai toujours soutenu tout autant qu'il l'a fait pour moi et ça ne changera jamais, ça. Je l'aime, cette petite tête. Et qu'est-ce que ça me soulage d'entendre qu'il ne m'en veut pas. Que je lui ai manqué. Parce que je suis revenu ici par envie de les retrouver, parce que je les aime tous. Mais j'avais peur. J'ai eu peur avec Nova, j'ai eu peur avec Zach, j'ai eu peur avec Matty parce qu'il aurait pu m'en vouloir de toute son âme de les avoir lâché. De ne pas être revenu avant, de ne pas avoir donné signe de vie et d'avoir fait traverser tout ça à Nova, sa famille et mon cercle d'amis proches. Mais non, rien de tout ça. A la place, il m'offre un câlin et me dit à quel point il est désolé que j'ai eu à traverser tout ça. Voilà. C'est Matty, c'est pour ça que je l'aime. Au lieu de ruminer sa souffrance du passé et de me la jeter à la gueule, il compatit avec moi et me comprend. Et qu'est-ce que ça fait du bien d'être compris comme ça.

« Vous m'avez manqué aussi. Tellement. » Je lui souris largement. D'un sourire sincère. Même avec les yeux humides, j'arrive à lui offrir ce sourire. Personne ne peut savoir à quel point ils m'ont tous manqué, à part mes proches, peut-être, qui peuvent l'imaginer. Mais je ne crois pas ça possible, honnêtement. C'est quand même assez particulier de penser qu'on va mourir encore parce qu'on est déjà mort une fois, et qu'on ne peut pas dire au revoir à ses proches. A sa famille de coeur. C'est particulier et bon sang qu'est-ce que c'est douloureux. « Est-ce que tu as quelque chose de prévu, là ? On pourrait aller se prendre un café ou un truc à manger ? » Histoire de rattraper tout ce temps perdu. Qu'est-ce que j'en avais besoin, de les retrouver. Un par un, un pas après l'autre. Est-ce que ça aurait été plus facile de les réunir et que je sorte d'un gâteau en carton en criant "Tadaaaa tour de magie, je suis guéri !" ? Non, ça aurait été trop insolent comme façon de faire. Autant se contenter de les revoir au compte-gouttes.

Même si Bazz avait six années de plus que Matty au compteur, la différence d’âge n’avait jamais empêché que les deux hommes soient très proches. Et puis, quelle joie pour Matty lorsqu’il avait découvert que sa cousine avait un copain aussi attachant, touchant, attendrissant et charmant que Bazz. Avec lui à ses côtés, Matty savait que Nova était entre de bonnes mains. Il avait toujours admiré cet amour que les deux partageaient. Parce qu’il savait oh combien que Nova aimait Bazz et que Bazz l’aimait en retour. Cet amour qui le faisait rêver depuis bien longtemps, presque jalouser en secret. Cet amour aussi puissant qu’il rêvait de vivre à son tour. Ce modèle de perfection. Celui qu’il idéalisait, celui qu’il voulait atteindre. Le couple goal pour Matty. Il avait toujours perçu Bazz comme une sorte de grand frère pour lui. Celui qui lui donnait de bon conseil, qui veillait sur lui, même de là-haut. Celui qu’il admirait, un peu comme un modèle. Celui qu’il rêverait de devenir. Parce qu’avec toutes ses qualités, Bazz était un humain hors du commun. Sa douceur, sa sensibilité et sa fidélité en faisait un jeune homme exemplaire. Tout le contraire de son grand frère. Parce que Matty n’avait jamais eu la chance d’avoir une telle relation, même s’il était vraiment proche de Zach. Ses cousins, ils étaient sa famille, toute sa vie.  

Voir Bazz aussi peiné attendrissait Matthew. Le sentir aussi vulnérable lui faisait chaud au cœur, lui prouvant qu’il était capable de s’abandonner à ses émotions, même s’il n’avait jamais eu aucun doute le concernant. Ce n’était pas la première fois que Bazz se confiait à lui, mais c’était la première fois depuis des lustres. Et ça lui avait manqué. Tout lui avait manqué. Il lui avait manqué. Partager des moments avec lui, des fous rires, des histoires rocambolesques... mais quelles histoires pourraient être plus rocambolesque que celle de sa mort maintenant ? Rien ne lui semblait atteindre ce niveau de dinguerie « Tu m’as manqué, tout de toi m’a manqué » dit-il toujours en l’étreignant. Partager un vrai moment de bromance surtout. « J’ai tout mon temps Bazz... allons chercher un morceau » lui propose-t-il. C’est qu’il commençait à devenir un peu pâle. Parce qu’il n’avait pas mangé depuis longtemps ou parce qu’il s’apprêtait à mourir devant lui une seconde fois ? « Mais maintenant... tu es complètement guéri » s’inquiète-t-il.