TWs: mon histoire parle de décès, de trouble de la fertilité, de fausse couche.

« Rien n'est plus pénible à l'esprit humain qu'un grand et brusque changement »   Je n’ai pas eu la chance d’être l'aînée dans la famille. Je suis une petite sœur pour quelqu’un, comme je suis grande sœur pour d'autres, chacun avec une personnalité et un tempérament différent. Nous avons nos hauts et nos bas comme dans toutes les familles mais on s’aime tous. On ne se l’avoue peut-être pas assez mais que voulez-vous, entre frères et sœurs c’est surtout le jeu du “Je t’aime moi non plus”. Nous sommes tous les quatre différents mais nous nous complétons tellement bien. Enfin, on se complétait tellement bien... Malheureusement, nous avons perdu l'un des nôtres, Callum. La tête pensante de la famille. Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à lui... Nous sommes une famille de ce qu'il y a de plus normale ici. On s'entraide, on s'appelle souvent et on se voit pratiquement tous les dimanches pour le brunch. Enfin... jusqu'à il y a trois ans.

Mais pour en revenir à mon histoire, il faut que je commence par le début. J'ai passé ma plus tendre enfance dans une famille aimante. J'avais de bonnes notes à l'école et je ne m'attirait pas d'ennuis. Au début de mon adolescence, j'ai rencontré Arthur. Arthur n'est pas vraiment du même monde que moi. J'entends par là, qu'il n'a pas besoin de trimer comme nous tous, pour avoir ce qu'il veut. Il suffit de demander à maman ou papa et en un claquement de doigts, il est limite, servi sur un plateau d'argent. Pourtant, on s'est lié d'amitié. Il arrivait du Dakota du Nord. Je crois que ses parents faisaient fortune dans des entreprises pétrolières dans tout le pays -ou quelque chose comme ça, et il fréquentait une école privée qui le saoulait. On s’était rencontrés dans un pub où les jeunes de notre âge assez branchés aimaient passer du temps. Jamais je n'ai cru qu’on allait partager une belle histoire entre lui et moi. Ma première histoire, à vrai dire. Oui, on peut le dire, c’était une belle idylle cette année-là mais il fallait se rendre à l’évidence : Arthur et moi, on n'était pas vraiment du même monde et c’est ce qui a fini par nous séparer. Je ne regrette pas ces moments passés avec lui. Ensuite, on s’est perdus de vue quelques mois après notre rupture. Je crois même qu'il est retourné vivre dans son coin...  

J'ai finalement décidé de quitter la ville, le temps de mes études. Je voulais devenir obstétricienne. Dans ma tête, j'ai toujours voulu fonder une famille, avoir un mari, des enfants, une belle maison, un métier que j'aimerais et même un chien ! J'avais tout planifié jusqu'aux moindres détails. Et pour ça, j'allais commencer à ce qui se rapprochait le plus de la maternité : Mon métier. Je me souviendrais toujours de ce tout petit être que j'ai mis au monde. Mon tout premier bébé. C'était une adorable petite fille et la maman avait fait un travail formidable. Un accouchement de rêve ! Je me souviens aussi que c'est ce jour-là, que mon envie de maternité est devenue beaucoup plus forte. Je savais qu'il ne fallait pas brûler les étapes mais j'avais organisé tout mon avenir et j’avançais à mon rythme. Quelques années après, j'ai rencontré l'homme qui partagera ma vie, en grande partie. Il avait tout pour plaire. La belle gueule, le physique d'un Dieu, la gentillesse et la prévenance d'un gentlemen. Il était un peu mon supérieur à l'hôpital. Lui est pédiatre, et moi interne en maternité. Notre première rencontre n'a pas été de tout repos. J'ai mis ce petit bébé au monde beaucoup trop tôt avec des anomalies. J'ai secondé le médecin pendant plusieurs semaines pour faire en sorte d'offrir le plus de confort possible à ce petit amour. J'ai appris à le connaître et c'est ce qu'il m'a fait tomber amoureuse de lui. Mon dieu, que je l'ai aimé cet homme !!!!

Après cela, tout s'est enchaîné très vite. On est sorti ensemble. Nous sommes revenus vivre ici, on s'est financés puis nous nous sommes mariés, entourés de nos amis et notre famille. Nous avons acheté notre maison peu de temps après notre mariage et on a adopté Sally, notre chienne Labrador. Une vraie crème. Tout était pratiquement coché sur ma liste. Oui, parce qu'il nous manquait quelque chose à ce bonheur. Une dernière petite chose : Un bébé. Un "mini-nous" qui complètera notre merveilleuse bulle d'amour. Au début, j'étais tellement excitée. Je me disais "ça y est, ton rêve est à portée de main, saisit-là sans crainte" C'est ce que j'ai fait. Mais mois après mois, mon test de grossesse n'affichent pas ces deux petites barres roses que j'espérais. Chaque mois, on se disait "Cette fois c'est la bonne !" Et chaque fois, je pleurais. Je pleurais à l'intérieur. Pourquoi ça ne marche pas ? Pourquoi n'ai-je pas le droit à ce bonheur ? Alors avec mon mari, on est allés consulter un médecin. Il était évident qu'il y avait un problème. De lui ? de moi ? D'aucun de nous ? On l'ignorait. Personne ne pouvait mettre un terme scientifique à notre incapacité à créer la vie. C'est ainsi qu'on a commencé à vivre de façon très organisée, chronométrée oserais-je dire. Il y avait des jours précis pour faire l'amour, pour prendre des pilules, pour se faire des injections... Tout était défini à l'avance Et sans compter les allers et retours à l'hôpital pour les rendez-vous... et c'est vraiment un tue-l'amour ce mode de vie.

On se lance donc dans la procréation médicale, on dépense une vraie petite fortune dans les traitements. On nous laisse entrevoir l'espoir après toutes ces inséminations (Je ne les compte plus, tellement y'en a eu) mais cet espoir n'est qu’éphémère. J’ai fait deux fausses couches l’année de notre rupture. Je n’en ai rien dit à personne, même pas à ma famille, ni à mes plus proches amis ! J’ai eu besoin de garder ça pour moi. Je ne me sentais pas prête à mettre des mots, oralement j’entends, sur ce qui m’était arrivé. Entre tout cela, j'ai perdu une partie de moi. Mon frère Cal' est décédé il y a de cela trois ans. Un stupide accident de moto. Il laisse derrière lui sa veuve et ses deux adorables filles. Malgré la tragédie qui nous a frappée, ma belle-sœur et moi on est restées très proches et j’adore mes nièces. Je prends soin d’elles pour mon frère. Je sais qu’il aurait apprécié qu’on ne lui tourne pas le dos, ni aux filles. Après tout, elles sont ma famille aussi... L’une de mes sœurs n’a pas fait son deuil comme nous. Elle a complètement dérapé et je ne savais pas comment l’aider. Elle est allée en prison et elle a décidé de couper les ponts avec notre famille. J’ai finalement ouvert une clinique privée : une maison de naissance avec les méthodes dites “douces”. Je travaille en partenariat avec l’hôpital puisqu’en cas d’urgence, ils peuvent intervenir très rapidement. La clinique se trouve à peine à deux rues du centre hospitalier alors ça me rassure. Pour m’aider à ce que tout roule sur des roulettes, j’ai la fine fleur pour me supporter. Une équipe médicale de choc, un peu comme une seconde famille. On se sert les coudes, avant tout. Ensuite, mon mariage est parti complètement en vrille après ça, Ces deux fausses couches la même année ont eu raison de nous, je déprimais Et je sais que c’est la raison pour laquelle mon mari est parti. Une excuse parmi tant d’autres pour prendre la tangente me direz-vous mais Notre couple ne fonctionnait plus depuis des mois et on s’est quand même obstinés à réessayer comme si ça allait arranger les choses. Au fond de moi, je voulais que ça marche. Je me disais que lui et moi on allait devenir plus solide après ça mais ça n'a pas eu l'effet escompté.

On s’est ignoré pendant plusieurs mois et je me suis rapprochée de son pire ennemi : Caleb. Depuis notre retour ici il y a huit ans, j’ai appris à le connaître un peu mieux. Si Caleb et mon ex-mari ont un problème depuis l’enfance, ce n’est pas notre cas à nous. Je me suis souvent disputée à ce sujet d’ailleurs mais au lieu de prendre parti dans cette guerre qui n’était pas la mienne, j’ai voulu être neutre, un peu comme la Suisse. Mais ça ne m’a pas empêché de tisser des liens positifs avec le détective privé. Le divorce enfin prononcé et notre maison vendue, c’est un sacré coup dur pour moi. Je ne m’attendais pas à cette fatalité. Surtout si vite. Je n’étais pas prête à essuyer près de dix ans de vie commune. Alors une amie m’a soufflé une idée pour décompresser, pour me changer les idées. Partir loin, quelques jours. Cela me ferait du bien, picoler me ferait du bien, je me dis que deux ou trois jours avec des copines pourraient me faire du bien. L’idée germait tranquillement dans ma tête. Seulement, Caleb s’est pointé à ma clinique Mom&Me. Il ne souhaitait pas aller à l’hôpital, trop flemmard sans doute mais au coin de la rue, hein…  Je m’occupais d’une grossesse particulière, alors qu’il m'a supplié gentiment de lui faire un ou deux points de suture. Je n’en avais plus fait depuis l’université mais je n’ai cependant pas perdu la main. Encore fourré sur un plan foireux, je me suis dis ! Et l’idée de l’embarquer avec moi durant ces deux, trois jours de folie est née dans mon esprit. J’ai mis à peine vingt-quatre heures pour trouver l'endroit parfait et il n’a pas été difficile à convaincre.  Nous sommes partis deux jours à Vegas. Après tout, autant lui que moi, avions besoin de nous défouler : Deux divorcés, moi plus récemment que lui, mais complètement à la ramass’ quand même… Puis, ce qui s’est passé à Vegas y est resté. Je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis. Est-ce qu’il m’ignore ? Je n’en sais rien… peut-être que moi aussi, je l’ignore finalement. Est-ce qu’il regrette cette nuit remplie de tendresse à mon égard ? Je ne sais pas ce que signifie notre weekend pour lui ou même ce que je ressens pour lui, c’est tellement nouveau. De nouvelles émotions s’insinuent en moi et je ne sais pas comment gérer. Je devrais sans doute faire le premier pas et l’appeler, non ? En tout cas, je sens des papillons dans le ventre dès que j’évoque Caleb dans mes conversations…

La vie est bien trop courte pour vivre avec des regrets, j’ai tellement perdu de temps et d’énergie à vouloir fonder ma propre famille, que je n’ai pas vu l’essentiel. Pourtant, je continue à m’acharner, à me dire qu’un jour je serais maman. Il le faut. Je ne pourrais pas vivre une vie sans être mère. C’est inné, c’est en moi. Je le sais. Quand mon mari m’a quitté, je me suis tournée vers l’insémination, toute seule. Je n’ai pas été au bout du processus. Trop lâche sans doute, ou alors j’espérais qu’il revienne vers moi un jour. Je n’imaginais pas une seule seconde que je tomberai dans les bras de son pire ennemi mais voilà, c’est arrivé et j’ai peur de ce que je commence à ressentir pour lui. Il y a quelques semaines, j’ai reçu la confirmation de mon inscription pour l’adoption à l’international. Si je ne peux pas avoir d’enfant, si je dois faire le deuil de la maternité pour toujours alors je me tourne vers une autre solution. Une aventure hors du commun qui me mènera je suis certaine d'être mère un jour… mais reste toujours que ma vie sentimentale change… J’ai de plus en plus besoin de réponses venant de lui… Je ne peux pas me projeter dans l’avenir s’il ne m’aide pas à y voir plus clair…

cette plume j'ai adoré lire ta fiche et j'ai hâte de suivre ses aventures, je viendrai très surement te demander des liens

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